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Une conférence animée par l’adlf !

« Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou » - Nietzsche

Par quels mécanismes peut-on décerveler une personne, une famille, un groupe, une nation, une société ?
Quelles nuances entre conviction, raison, foi, vérité, information, propagande ?
Autant de précisions utiles pour pouvoir réfléchir à un monde dans lequel la préservation des libertés
fondamentales n’est jamais
acquise.

Cet exposé veut proposer des éléments pour réfléchir par soi-même sur le sujet sectaire et le mécanisme
totalitaire, c’est-à-dire exercer son discernement.

Vous trouverez ci-dessous tout le résumé de la conférence sur les dérives sectaires, secte, idéologie et mécanisme totalitaire organisée et animée par notre association.

Bonne lecture ! ADLF 

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Par quels mécanismes peut-on décerveler une personne, une famille, un groupe, une nation, une société ?
Quelles nuances entre conviction, raison, foi, vérité, information, propagande ?
Autant de précisions utiles pour pouvoir réfléchir à un monde dans lequel la préservation des libertés fondamentales n’est jamais acquise.

→Thème : liberté d’expression, liberté de conscience 

-Plan :
1/ Terrain : affaiblissement (personnel ou groupal, lent ou rapide, masse, media de masse)
2./ Hameçonnage : Séduction – discours de Vérité et absence de doute
3/ Déstabilisation et emprise
4/ Caractéristique du fonctionnement sectaire, totalitaire
5/ et 6/ La sortie et comment ne pas y entrer : le doute afin de dissoudre la Vérité et le clivage.

C’est une présentation du mécanisme d’emprise psychique dans ses dimensions tant individuelles que collectives. C’est la raison pour laquelle la description et le raisonnement présentés seront valables et utiles à la réflexion pour toute organisation de nature sectaire dont il faut rappeler que c’est une organisation totalitaire, que ce soit à deux à trois, dans une famille, dans un groupe dans une collectivité, une nation, une société. Le mécanisme d’emprise psychique utilisé par le fonctionnement sectaire est un mécanisme visant à une organisation totalitaire, son dénominateur est commun.

Le mot secte vient du latin “sequi, suivre”. Il prend le sens de suivre un maître pour le meilleur ou pour le pire, sans connotation péjorative. Avec l’essor du Christianisme les sectes désignent les groupes déviants. C’est l’acception du mot secte comme groupe refermé et retranché qui perdure de nos jours.

La notion de secte, comme la notion de religion, n’existe pas juridiquement à cause de la conception française de la laïcité (loi de 1905). La république assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes. S’il ne reconnaît pas la religion, le droit est donc incapable de la distinguer d’une secte.
L’état laïc ne se pose pas en juge des croyances, il doit par contre réagir face aux dangers que certaines suscitent pour autrui, pour la société, pour l’ordre public.
Définition de la MILS en 2000 : une secte est une association de structure totalitaire, déclarant ou non des objectifs religieux, dont le comportement porte atteinte aux droits de l’homme et à l’équilibre social.
A partir de 2002 l’accent a été mis par les pouvoirs publics beaucoup plus sur les fonctionnements avec un invariant qui est la déstabilisation mentale. L’activité sectaire en elle-même n’est cependant pas à négliger car il existe toutes sortes d’activités sectaires passant d’un groupe de quelques dizaines d’originaux à la multinationale, d’une certaine inoffensivité à une réelle dangerosité.

1/ L’entrée : l’affaiblissement :

Nécessite un terrain : un affaiblissement personnel et/ou collectif, valable pour un couple, un groupe, une société.

Dans le temps : l’affaiblissement peut survenir brutalement (choc, peur, ou stratégie du choc), ou progressivement, ou les deux.

Dans sa cible : affaiblissement personnel, groupal ou sociétal.
Personnel : deuil, maladie, chômage, séparation, isolement, dépression, quête spirituelle. Ce n’est pas une question d’intelligence ni de culture.

Sociétal : il est notoire que les sociétés contemporaines traversent une période comportant de nombreux facteurs de dépression. De tous côtés il n’est question que de récession, d’inflation, de chômage, de guerre, de libertés bafouées, de menaces de conflits thermonucléaires, de terrorisme.

Les gens éprouvent un besoin de croire (le besoin d’être rassuré, sécurisé) et devant le nihilisme ambiant, sont attirés par tout ce qui leur parle d’espérance. Il apparaît hélas que l’important n’est pas la réalité mais ce que les gens croient.

Requiert un groupe indifférencié, une massification des sociétés.
Un des problèmes les plus marquants des temps modernes est l’avènement des masses.
Masse : somme d’individus, atomisés et isolés. Les masses ne sont pas unies par la conscience d’un intérêt commun.
Requiert un orateur persuasif : un membre de la famille ayant un ascendant, un guide charismatique, des mass média.
Les mass média sont seuls capables de fabriquer une opinion publique, de créer une psychose collective sans avoir besoin de rassembler une foule. C’est là une des caractéristiques spécifiques de nos moyens modernes de diffusion et d’information. Ils agissent sur chaque individu en particulier et isolément, tout en créant des phénomènes collectifs sans interaction directe. Isolément et massivement.

2/ Hameçonnage : la séduction par un discours de Vérité sans doute

Une fois la détresse acquise, la personne ou le groupe sera séduite par un discours rassurant caractérisé par la Vérité et l’absence de doute, lequel produit un discours clivant.
Croyance : fait de croire en quelque chose, quelqu’un, une idéologie, une idée, une religion. Avoir des croyances est normal mais n’est pas le fruit d’un travail de réflexion.
Savoir : Ensemble cohérent de connaissances acquises au contact de la réalité ou par l’étude. Le savoir est le fruit d’un travail de réflexion.
Il est normal d’avoir des croyances et des savoirs. La dérive commence quand une croyance est
confondue avec un savoir, quand une conviction forte est prise pour une Vérité absolue.

La vérité est le nom que nous donnons à nos opinions, à condition de concevoir que l’autre à la sienne, c’est donc toujours une vérité relative.
Tolérance : il doit donc toujours exister un espace tiers entre soi et l’autre espace permettant au doute de circuler et enrichir l’échange.
La Vérité est une forme pathologique. Il n’y a plus d’espace tiers. A celui qui est convaincu d’avoir la Vérité il paraîtra légitime d’agir pour la faire régner. Elle doit triompher et dominer. Elle justifie d’éliminer ceux qui ne la partagent pas.
Détenir la Vérité implique donc l’interdiction du doute ou de la critique. Car le doute affaiblit la Vérité, la doctrine ou l’idéologie.
Celui qui critique sème le désordre : il s’agira de renverser la culpabilité sur celui qui doute en le
désignant comme coupable de douter. L’effet sera pour le futur adepte de taire la critique en croyant qu’il se sauve alors qu’il s’enfonce.
Faire disparaître l’espace intermédiaire : le discours de Vérité, sans doute et sans nuance, est présent dans une organisation sectaire ou une idéologie qui va plus ou moins se développer.

Idéologie :
• C’est système unique apparemment cohérent de représentation et d’explication du monde propre à un groupe, à une classe sociale, ou à une époque.
• La structuration de l’idéologie est toujours la même. Il faut susciter la peur par l’idée d’un grave danger persécuteur qui obligerait la population à consentir à des sacrifices derrière le pouvoir totalitaire présenté comme sauveur, la narration présentée comme Vérité est toujours mensongère et grossière même si elle s’appuie parfois sur quelques éléments vrais à l’origine.
• Cette doctrine est un récit qui ne correspond pas à la réalité de l’expérience qui s’appuie sur des hypothèses fausses, sur une langue formée pour asseoir la domination mentale.
• Ce discours n’admet ni contestation, ni doute ni remise en question. Il exige une adhésion sans réflexion, L’espace du doute de l’interrogation de la distanciation n’est plus autorisé.il n’y a plus d’espace tiers. La place est prise par la propagande qui doit donc être inlassablement répétée pour éviter que le doute ne s’y installe.
• Le discours de l’idéologie est de nature prophétique comme les sectes : le pouvoir prophétise et fait advenir ensuite ce qu’il a prophétisé, c’est-à-dire qu’il traite les retours d’expérience comme irréels, comme s’il n’existaient pas, et met en scène dans la narration, ce qui convient à ce qu’il prophétise. (Ariane Bilheran). À force de répétitions, la population finit par être persuadée que l’eau brûle et que le feu mouille.
• Il en découle que l’idéologie ne peut être un système neutre. L’idéologie est un système d’opinion qui sert des intérêts et pouvant influencer les comportements individuels ou collectifs.
Au sujet de la religion, avec la sécularisation et la massification des sociétés modernes, le rapport à la religion s’est recomposé (Marcel Gauchet). Le religieux s’est désinstitutionnalisé et ré-exprimé en quelque sorte sous la forme du bien-être de la personne, du développement personnel, coaching, para-médecines qui peuvent, comme le pouvait la religion, connaître certaines dérives sectaires.

3/ Déstabilisation et emprise :

C’est un processus psychique et physique valable quelle que soit l’échelle (un couple, un groupe, une société)

Suppression de l’identité :

1. Manœuvres de disqualification
2. Culpabilisation, notamment culpabilisation de douter et de ne pas être d’accord
3. Manœuvres anxiogènes
4. Manœuvres de confusion psychique : injonctions paradoxales, ne pas faire ce qu’on dit, ne pas dire ce qu’on fait
5. Sur-stimulation visant à masquer d’autres faits
6. Maniement particulier du langage et de la grammaire (novlangue et néologismes). C’est une
organisation délibérée et systématique de l’incompréhension et de l’incommunicabilité.
L’encerclement et l’isolement visent à l’effacement de la langue commune.
7. Disqualification des sensations et brouillage des perceptions par alternance de maltraitances et bienfaisances rapides. S’en suit une incapacité à s’adapter, ne plus savoir quoi penser, ne plus voir le mal (je suis parano) ou le bien (je suis naïf).
8. Brouillage des perceptions du corps, de sa force de son intégrité. Elle recouvre des formes de
maltraitance multiples : l‘épuisement au travail, la malnutrition, le défaut de soins médicaux et
hospitaliers, et par dessus tout le viol des corps.
9. Confusion du vrai et du faux :
Refaire l’histoire de façon répétitive, dire une chose et affirmer un peu plus tard ne l’avoir jamais dite.
Affirmer le contraire de ce qui est fait
Brouiller les messages de communication
Nombreux effets d’annonce
Renversement des rôles et usage de la projection, inversion accusatoir

—Établissement d’un lien de dépendance, suppression de la liberté :

Instauration de la dépendance au seul groupe : il faut briser les relations avec l’entourage, avec les autres groupes d’appartenance qui sont tous condamnés. Quelque forme qu’elle prenne, l’emprise est toujours synonyme d’une manœuvre d’encerclement et d’isolement.
Dépendance financière : l’appropriation concerne les biens matériels. L’extorsion n’est pas seulement
celle de l’identité, mais au moins autant de la propriété . L’une des formes les plus ordinaires de l’abus de faiblesse est l’exploitation jusqu’à l’épuisement des ressources financières.
Contraintes administratives. Surveillance permanente.
Martèlement du discours de vérité sans doute + incitation à la soumission à l’autorité ou menaces
directes, brimades, répressions.
Ainsi s’installe l’aliénation mentale : altère le discernement et endort la conscience. On fait taire ce qu’on
ressent (garde-fou). Cela produit la destruction de la confiance en ses propres émotions donc de ses
pensées et de son intelligence parce qu’au moyen de l’intelligence on n’a pas pu éviter la perte de repères.

Le décervelage s’opère.

4/ Fonctionnement de la secte : totalitaire, valable pour un couple, un groupe, une société.

a)⇒ Une société masse, homogène sans initiative ou un groupe idem, ou une famille idem, avec un tyran domestique. Les mouvements totalitaires sont possibles partout où se trouvent les masses. Pour créer une masse et qu’elle puisse devenir le premier soutien du régime totalitaire, il faut des médias de masse qui diffusent une propagande de masse afin d’entretenir la croyance en un discours fallacieux, le discours d’idéologie. (Hannah Arendt).

b)⇒ C’est l’idéologie qui gouverne, la doctrine sectaire qui fait office de loi et supplante toutes les autres y compris des droits de l’homme et du citoyen.

•Fonctionnement totalitaire : les trois pouvoirs ne sont plus séparés absence de contre-pouvoir.
• Se répand partout dans toutes les couches de la société. Il n’y a plus d’exception = illimité dans le temps.
• Pratiques visant à un changement de paradigme : s’occupe de tout.
S’occupe de tous les espaces publics et privés.
Règne sans partage sur les corps et les esprits avec refus catégorique de toute forme d’opposition.
Refaire l’histoire, vocabulaire, renommer les personnes, refonte des soins de l’éducation, du financier, de la police et de l’armée. Table rase de l’histoire pour avènement d’un homme nouveau plus pur et plus fort dans un futur toujours lointain, doctrine prophétique.
• Le mal est projeté sur l’extérieur, de la famille, du groupe, de la société. Lieu d’utopie avec frontière virtuelle ou non imperméable : le monde extérieur est mauvais. Projet politique dans ce sens.
• Destruction de l’espace tiers politique ou de dialogue, de conflictualité qui est envahi par la propagande et le martèlement. Culpabilisation, punitions, terreur et élimination de tous les opposants.

Comment reconnaître une information d’une propagande ?
D’après Ariel Beresniak (docteur en médecine et santé publique, docteur en sciences économiques HDR, professeur invité à l’université russe d’économie Plekhanov) :
Une information est destinée à diffuser une réalité ou un point de vue et pose des questions.
Une propagande est destinée à manipuler les esprits par sa répétition lancinante saturant les sens et impose des réponses toutes faites à des questions prédéfinies. Mais ce qui ne trompe jamais, c’est qu’une propagande interdit toujours une contre-propagande (interdiction d’avis contraire de même niveau).

c)⇒ Chef au service de l’idéologie.
Même si le chef disparaît l’idéologie continue.
A l’instar des délires (à deux ou plus) des sectes, une société devient totalitaire parce qu’elle n’assume plus la conflictualité démocratique.
Il n’y a pas de débat.
Pas de capacité à reconnaître l’autre comme son semblable.
Pas de capacité à vouloir l’égalité.
Pas de capacité à vouloir faire venir la justice.
Une société où le doute n’a pas sa place devient sclérosée et despotique, incapable d’innovation et d’adaptation et finit par disparaître.

5/ La sortie : le doute afin de dissoudre le clivage et la Vérité.

« Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou. », diagnostic établi par Nietzsche en 1888 dans «Ecce Homo».

Le doute vient du latin dubitare : « balancer », « hésiter ».
Secte : L’adepte est habitué à avoir une confiance totale dans le gourou.
Lorsque le gourou se trompe sur un détail, cela peut éveiller un début de remise en question et le doute ou un abus extrême (par exemple corporel) qui fait réagir.
Société : Ne pas se tromper de lutte. Le problème n’est pas l’homme mais l’idéologie / la doctrine.
Ce doute s’est développé, des Grecs à nos jours, sur deux versants distincts. Son premier versant regroupe des penseurs sceptiques, dont le doute est définitif.
Sur autre versant, le doute est au contraire provisoire. Il découle d’une décision volontariste.
Méthodique, il devient voie d’accès conduisant à une connaissance exacte. C’est le chemin inauguré par Descartes. Le doute instaure une distance envers ses propres convictions. Il s’agit de ne plus adhérer aveuglément à ce que l’on pense, afin de commencer à l’examiner et à le mettre à l’épreuve. D’où l’espace tiers décrit plus haut. Il n’empêche pas d’avoir des partis pris, ni de les défendre mais il libère de l’emprise des certitudes.
Mais douter c’est faire l’expérience de l’intranquillité. Douter peut-être inconfortable voire redouté. C’est bien souvent la crainte de se tromper, de prendre la mauvaise voie, Seulement, le doute ne saurait être méfiance, scepticisme, désespoir, crainte, paralysie. Alors il ne faut pas reculer, il ne faut pas s’arrêter à la paralysie. Le doute doit avec le courage, engendrer un véritable travail psychique : l’effort, la lecture, la recherche, la réflexion, la compréhension, le débat, l’action, le pas en avant. Dans ces conditions seulement, le doute devient fécond, Il permet de vivre, d’avancer, de partager. Au lieu de chercher à lever ses doutes a priori, mieux vaut vérifier ses hypothèses en testant les choses dans la réalité, La science fonctionne selon ce principe depuis toujours. Le doute est la manifestation de la liberté de l’être humain.
Il n’empêche pas le choix ni l’action, il les éclaire en devenant un outil de discernement.
Discernement : trier en séparant = capacité de juger et d’apprécier avec justesse.
Le discernement est le fruit du travail entre intelligence rationnelle et l’intelligence émotionnelle entre l’analyse et l’intuition. Il faut les deux. C’est un véritable travail psychique. C’est la définition d’Homo-sapiens : l’homme qui juge bien qui prend les bonnes décisions : discernement.

6/ Comment ne pas y entrer :

1. Attention aux discours de Vérité sans doute.
2. aux recommencements à zéro.
3. obéissance : toujours juger de la moralité de ce qu’on nous demande (Cf. déclaration des droits de l’homme).
4. Regarder si le chef ou le gourou fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait (confiance).
5. Examiner les faits et où va l’argent.
6. Exercer toujours son discernement, c’est-à-dire trier et juger avec justesse. Sentir, Douter et réfléchir.
7. Attention à l’intrusion forcée dans ce qu’on a d’intime, se fier à ce qu’on sent même si on ne comprend pas tout (garde-fou). Un corps humain c’est sacré (sacré : ce à quoi on ne touche pas).
8. Se relier, s’investir dans quelque chose de collectif, lieux de débats et de réflexion commune
(associations, syndicats, groupes), pour ne plus faire masse d’individus (ni foules ni individu seul)
9. Tenir le droit car seule la justice justifie.
« Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial », article 16-1 code civil Création Loi n°94-653 du 29 juillet 1994 – art. 3 JORF 30 juillet 1994.


ADLF – Association de Défense des Libertés Fondamentales